J'ai entendu récemment M. Dassault sur France Inter affirmer que la défaite de 1940 était la faute des socialistes et du Front Populaire, qui avaient empêché la France d'avoir assez de chars d'assaut pour contrer l'offensive allemande.
Déjà, il me paraît étonnant qu'un homme condamné à deux ans de prison avec sursis pour corruption puisse avoir l'indécence d'ouvrir sa gueule sur des affaires morales, même s'il est sénateur, magnat de la presse et patron d'Industrie ("Merci Papa!"). Mais bon, dans notre époque de média-spectacle, plus rien n'est vraiment étonnant quand on aborde la décence morale.
Revenons maintenant à son accusation, qui n'a d'ailleurs rien de nouveau et a été maintes fois énoncée par les partis de Droite, bien heureux de faire ainsi oublier leur accointance avec Pétain et le régime collaborationiste de Vichy. Avant l'offensive de mai 1940, la Wehrmacht alignait à peu près 2 500 chars, Panzers I, II, III et IV et chars d'origine tchèque 35T et 38T. Excepté le PIV équipé d'un 75mm à canon court, ils sont armés au mieux d'un canon de 37mm (une simple mitrailleuse pour le PI, un canon de 20mm pour le PII). En face, les Français alignent à peu près le même nombre de blindés (et même le double si l'on compte les vieux FT17 datant de la Première Guerre Mondiale). Question qualité, certains sont supérieurs aux blindés allemands, que ce soit les 300 Somua S35 équipés d'un 47mm antichar très performant ou les 400 B1 bis qui n'avaient pas d'équivalent dans les PanzerDivisionen. Certes, ils avaient leur défaut (techniquement complexes, chef de char servant également le canon...) et les R35 ou H39 les accompagnant ne valaient sans doute pas grand chose. Comme les PI et PII.
La défaite n'est donc pas lié tant aux matériels qu'aux doctrines. Comme souvent au cours de notre histoire, nos chefs militaires avaient une guerre de retard, et s'attendaient à refaire 14-18. Et même si un visionnaire comme de Gaulle avait prédit les formes de combat futur, seuls les Allemands suivirent les doctrines de Guderian et appliquérent la Bitzkrieg, la Guerre-éclair.
La Guerre était-elle perdue d'avance? AMHA, probablement pas. Mais ce sont nos officiers généraux qui l'ont perdu. Et oui, M. Dassault, pour l'Histoire, révisez un peu, ça vous évitera peut-être de proférer ce style de conneries.
Oh, et à ceux qui disent que les soldats français se sont lâchement enfuis face aux nazis: en 6 semaines, l'Armée Française compte 120 000 morts, des taux de pertes comparable aux plus grandes batailles de la Grande Guerre.