5 juillet 2005

Elégie Onzième

Trouvé ce texte, au hasard d'une page web:

C'est avoir assez et trop longtemps souffert: ta perfidie a vaincu ma patience; sors, honteux Amour, de mon coeur fatigué! C'en est fait, je m'affranchis; j'ai rompu mes chaînes, j'ai souffert sans rougir, je rougis maintenant d'avoir souffert; enfin, je triomphe, et je foule à mes pieds l'Amour subjugué! Trop tard, hélas! J'ai connu l'outrage fait à mon front. De la persévérance et de l'énergie; ces maux auront un jour leur récompense. Souvent un fruit amer offre son suc secourable au voyageur épuisé.

Quoi ! après tant de refus, j'ai pu, moi homme libre, coucher sur la dure à ta porte! Quoi! J'ai pu, quand tu pressais je ne sais quel amant dans tes bras, j'ai pu, comme un esclave, me faire le gardien d'une porte qui m'était fermée. Je l'ai vu, cet amant, sortir de chez toi fatigué, et d'un pas traînant, comme celui d'un vétéran usé par le service ; mais j'en ai encore moins souffert que d'en être vu moi-même. Puisse une pareille honte être réservée à mes ennemis! Quand t'es-tu promenée sans me voir enchaîné à tes pas, moi ton gardien, moi ton amant, moi ton compagnon assidu? C'est ainsi que tu me dus de plaire à un peuple d'amants, et notre amour en fit naître un pareil dans bien des coeurs. Pourquoi rappellerais-je les honteux mensonges de ta langue perfide, et les dieux, témoins de tes serments violés pour mon malheur? Pourquoi dirais-je ces signes d'intelligence, adressés, pendant les repas, à de jeunes amants, et ces mots convenus entre vous pour déguiser le sens de vos discours ? On m'avait dit qu'elle était malade: je cours chez elle tout éperdu, hors de moi; j'arrive: la malade ne l'était pas pour mon rival.

Voilà, sans parler de bien d'autres, les affronts qu'il m'a fallu souvent essuyer. Cherches-en un autre qui les endure à ma place; pour moi, j'ai couronné mon vaisseau de guirlandes votives, et, tranquille au port, il écoute mugir les flots de la mer. N'essaie plus sur moi l'effet de tes caresses et de ces paroles autrefois si puissantes: je ne suis plus aussi insensé que je l'ai été. Je sens mon coeur, trop léger pour cette lutte, partagé entre l'amour et la haine; mais, je le crois, c'est l'amour qui l'emporte. Je haïrai, si je le puis; sinon, je n'aimerai que malgré moi. Le taureau non plus n'aime pas le joug : il le hait, et il le porte.

Je fuis sa perfidie; sa beauté me ramène vers elle; je hais les vices de son âme, et j'aime les grâces de son corps. Ainsi, je ne puis vivre ni sans toi ni avec toi, et je ne sais moi-même ce que je désire. Je voudrais que tu fusses ou moins belle ou moins perfide. Tant de charmes ne vont pas avec des moeurs si dépravées; ta conduite excite la haine, ta beauté commande l'amour...

Ovide - 43 av J.C. - 17 ap J.C.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci pour ton amour.